 Redoutables, les voitures flasheuses de plaques continuent de turbiner "pour dissuader de prendre la voiture"
L'année 2018 avait été salée. 2019 ne manque pas de piquant pour le portefeuille des automobilistes marseillais rétifs à payer leur place de stationnement sur la voie publique. Selon les données de la municipalité que nous avons pu consulter, plus de 560 000 PV - des forfaits post-stationnement (FPS) pour être précis - ont été délivrés l'année dernière. Cumulés avec l'année 2018, c'est plus d'un million de PV dressés (1 119 996 exactement) en à peine deux ans.
Une évolution logique. Les agents à pied ne contrôlent pas les véhicules en courant à toute vitesse dans les rues de Marseille. Pas besoin. Ils ont été en partie remplacés par des véhicules Renault Zoé bardés sur leurs toits de caméras pour flasher les plaques d'immatriculation. En une journée, une Zoé peut contrôler 15 000 places de stationnement. Sur le mois, le contrat de la Ville avec le délégataire Sags fixe le nombre de contrôles à 450 000. Dans les faits, ce n'est pas aussi drastique. "L'idée n'est pas de matraquer les automobilistes, soutient Jean-Luc Ricca, conseiller municipal du groupe Agir en charge du stationnement, mais d'apaiser le centre-ville en limitant l'usage de la voiture".
10 577 784 euros de recettes liées au stationnement en 2019
Reste que cette réforme du stationnement et du mode de contrôle qui l'accompagne implique de nombreuses évolutions. D'après la municipalité, trois automobilistes sur dix payaient en moyenne leur stationnement en 2016. Aujourd'hui, le taux grimpe à plus de 85 %. Du pain béni pour les caisses de la Ville avec le paiement aux horodateurs et les abonnements résidents. Relativement bas - aux alentours de 140 euros par an - cet abonnement a connu une augmentation de 58,7 %. Preuve que l'automobiliste plusieurs fois verbalisé a quelque peu changé ses habitudes de stationnement.
Autre chiffre qui retient l'attention : selon les données de la municipalité, le nombre de vignettes pour les personnes à mobilité réduite est passé de seulement 7 en 2017 à 1 973 en 2019. Au total, les recettes liées au stationnement sur les quelque 18 400 places payantes de Marseille ont été en 2019 de 10 577 784 euros contre 7 457 195 euros en 2017. Attention, tout ne va pas dans les caisses de la Ville. Les 9 575 743 euros des PV collectés par les voitures flasheuses de plaques d'immatriculation (les forfaits post-stationnement, Ndlr) sont fléchés vers la Métropole pour sa politique en matière de déplacements et de gestion des infrastructures routières.
De quoi peut-être faire grogner l'automobiliste marseillais certain aussi en voyant le passage régulier des Zoé d'être ciblé. "Un impôt indirect", avait dénoncé en conseil municipal il y a deux ans, l'élu d'opposition PS, Benoît Payan. Mais l'adjoint au stationnement Jean-Luc Ricca l'assure : "Il y a un traitement équitable du contrôle dans les rues. Tous les secteurs de la ville sont contrôlés de la même façon." Les automobilistes marseillais étaient prévenus. Ils le sont aujourd'hui encore plus.
Est-ce que le mode de contrôle est légal ?
Depuis la mise en place de la nouvelle méthode de contrôle du stationnement avec des voitures flasheuses de plaques d'immatriculation, la question taraude bon nombre d'automobilistes : est-ce légal ? Une question légitime tant les autres villes n'ont pas adopté le même système. À Paris, par exemple, si la voiture équipée de caméras sur le toit signale comme à Marseille un stationnement non payé, un agent à pied est envoyé sur place pour vérifier l'information. À Marseille, ça ne marche pas comme ça. Les informations captées par les caméras de la Renault Zoé sont directement envoyées vers un centre de traitement. Devant ses écrans de contrôle, un agent assermenté vérifie et envoie ou non un FPS (forfait post-stationnement).
Une méthode qui interroge à la lumière des recommandations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. "Les collectivités ne sauraient en aucun cas recourir à un quelconque dispositif de contrôle du paiement du stationnement automatisé de bout en bout. Le constat de l'absence ou l'insuffisance de paiement et l'initiation de la procédure de FPS doivent être réalisés par un agent de contrôle", indique-t-elle. Ce n'est pas tout.
D'après une jurisprudence de la Commission du contentieux du stationnement payant - juridiction administrative spécialisée à compétence nationale dont la fonction est de juger les litiges portant sur le stationnement payant -, "les conditions du contrôle du stationnement payant mises en oeuvre par le tiers contractant de la commune de Marseille ne permettent pas de présumer de ce qu'un véhicule immobilisé est en stationnement ou seulement à l'arrêt".
Pour sûr, la municipalité n'est pas passée à côté de ces textes ou de ces recommandations. Mais rien d'illégal assure-t-elle dans son mode de contrôle. "La Cnil est venue deux fois en 2019 pour voir et comprendre comment fonctionnait notre système. On n'a pas eu d'interdiction, ni de remarques alors qu'ils ont vérifié l'ensemble de la chaîne de traitement", se défend-on avant de préciser qu'un agent assermenté se trouve dans la voiture flasheuse. Contactée, la Cnil n'a pour le moment pas pu donner suite à notre sollicitation sur le sujet.
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