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Limites à l'utilisation du véhicule de fonction

Limites à l'utilisation du véhicule de fonction

Commerciaux, chefs des ventes, directeurs… de nombreux salariés disposent d’un véhicule de fonction, dont l’utilisation n’est pas limitée à des fins professionnelles. Mais peuvent-ils pour autant l’utiliser comme s’il leur appartenait ?

Par une décision en date du 31 août 2018, la Cour d’appel de Rennes a clairement posé des limites à l’utilisation du véhicule de fonction. Cette affaire, rendue au sujet de la plateforme BlaBlaCar, est l’occasion de faire le point sur le régime juridique du véhicule de fonction et sur les précautions que peuvent prendre les employeurs pour s’opposer à certains usages de ces véhicules par leurs salariés.

Le principe même du véhicule de fonction est de pouvoir être utilisé à titre privé

Si le véhicule de fonction est mis à la disposition du salarié de façon permanente, le salarié peut en bénéficier pour ses déplacements privés, c’est-à-dire pendant les week-ends et les périodes de vacances et non pas seulement pour le trajet domicile - lieu de travail. Dans ce cas, il s’agit d’un avantage en nature soumis aux charges sociales pour l’entreprise et à l’impôt sur le revenu pour le salarié. L’employeur qui omettrait de mentionner cet avantage en nature sur le bulletin de salaire encourrait à ce titre un redressement de la part de l’Urssaf.

S’agissant d’un élément de la rémunération, généralement mais cependant pas nécessairement prévu au contrat, la Cour de cassation a pu juger que la suppression du bénéfice de la voiture de fonction constituait une modification du contrat de travail qui ne pouvait être imposée au salarié. En effet, même s’il n’est pas formellement mentionné au contrat, l’avantage en nature fait partie de la rémunération du salarié ; dès lors, pour le supprimer il est nécessaire d’obtenir son accord. À défaut d’accord du salarié, la suppression d’un avantage en nature constitue une sanction pécuniaire prohibée (Soc., 23 juin 2010, n° 09-40.825).

Ce droit à l’usage privé du véhicule s’oppose même à la récupération de celui-ci pendant une période de suspension du contrat de travail pour maladie, congé parental, congé maternité… (Soc., 24 mars 2010, n° 08-43.996). La solution dégagée par la Cour de cassation vaut dans toute hypothèse de suspension du contrat de travail, sans distinction selon que cette période soit rémunérée ou non.

La Cour de cassation a en effet eu l’occasion de réaffirmer ce principe, tout en précisant que le contrat de travail pouvait organiser le droit de l’employeur de récupérer le véhicule de fonction en cas de suspension du contrat de travail. Une disposition contractuelle peut donc obliger le salarié à restituer son véhicule de fonction pendant un arrêt maladie ou un congé maternité nécessitant son remplacement. Le salarié qui refuserait la restitution du véhicule commettrait alors une faute sanctionnable sur le plan disciplinaire. Toutefois, l’insertion d’une telle clause dans le contrat de travail a parfois été jugée insuffisante pour légitimer la récupération du véhicule du salarié en arrêt de travail, notamment lorsqu’il a été démontré que le véhicule récupéré n’avait pas été affecté à un nouveau collaborateur (Soc., 2 avr. 2014, n° 13-10.569).

De la même façon, un salarié licencié ne saurait être tenu de restituer son véhicule pendant la durée de son préavis, même si l’employeur l’a expressément dispensé d’exécuter son préavis (Soc., 8 mars 2000, n° 99-43.091). En effet, la dispense par l’employeur de l’exécution du travail pendant le préavis, que celui-ci fasse suite à une démission ou un licenciement, ne doit entraîner jusqu’à l’expiration de ce délai aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait reçus s’il avait accompli son travail.

Parfois, le salarié pourra préférer restituer volontairement le véhicule, notamment s’il est dans l’impossibilité de l’utiliser. S’agissant d’un avantage en nature soumis à l’impôt sur le revenu, il peut en effet être dans son intérêt de le restituer à l’employeur. Par prudence, l’employeur lui demandera de lui faire un écrit par lequel il apparaît sans aucune ambiguïté que c’est le salarié qui sollicite de l’entreprise la reprise de son véhicule de fonction le temps de la suspension de contrat de travail, afin de faire échec à toute éventuelle tentative ultérieure de requalification en modification unilatérale du contrat à l’initiative de l’employeur.

Les limites à l’usage personnel du véhicule de fonction

Si le salarié a le droit d’utiliser son véhicule de fonction dans le cadre de sa vie privée, la jurisprudence a depuis longtemps reconnu que l’usage personnel comportait des limites. Ainsi, le fait pour un salarié en arrêt maladie, de prêter à un tiers son véhicule de fonction qui n’était assuré qu’à son seul profit et sans lui avoir préalablement remis le certificat d’immatriculation, est un fait qui se rattache à la vie professionnelle de l’entreprise et qui peut donc être sanctionné sur le plan disciplinaire (Soc., 30 nov. 2010, n° 09-40.695). En l’espèce, le licenciement pour faute grave a été considéré légitime.

Un salarié qui effectue, pour son travail de très nombreux trajets avec son véhicule de fonction, peut-il en profiter pour faire du covoiturage ? C’est la question que la Cour d’appel de Rennes a dû trancher. Effectuant régulièrement de longs trajets professionnels entre Nantes et Bordeaux avec son véhicule de fonction, un salarié publiait des annonces proposant du covoiturage sur ce trajet : 112 annonces ont été répertoriées et des bénéfices de plusieurs milliers d’euros ont été retirés de cette activité. Le salarié, licencié en 2015 pour ce motif, a contesté son licenciement prononcé pour cause réelle et sérieuse et a obtenu gain de cause en première instance. Sur appel de l’employeur, la Cour d’appel de Rennes infirme le jugement et valide le licenciement.

En premier lieu, la Cour relève que cette pratique du salarié avait eu lieu sur plus de trois ans et que le salarié ne démontrait pas la connaissance de cette utilisation par l’employeur. En effet, si l’employeur en avait eu connaissance sans réagir pendant plus de deux mois, les faits reprochés auraient bénéficié de la prescription et n’auraient pas pu être cités à l’appui d’une sanction disciplinaire.

En second lieu, la cour relève qu’ayant utilisé un véhicule professionnel, le salarié ne pouvait se retrancher derrière le caractère privé de cette activité. S’il est vrai que les faits relevant de la vie privée ne peuvent donner lieu à des sanctions disciplinaires, la jurisprudence a, à de nombreuses repri­ses, considéré que des faits non commis pendant le temps de travail pouvaient se rattacher à la vie professionnelle et par conséquent donner lieu à des sanctions disciplinaires. En l’espèce, à la lecture de la décision rendue par la Cour d’appel de Rennes, il semble que la seule utilisation du véhicule professionnel a suffi à créer le rattachement à la vie professionnelle. En tout état de cause, l’utilisation litigieuse avait lieu sur des trajets professionnels ; dès lors, le salarié ne pouvait légitimement invoquer un quelconque usage privé de son véhicule pour remettre en cause le licenciement.

Enfin, pour considérer le licenciement justifié, la Cour retient également que le site BlaBlaCar précise expressément que le covoiturage doit permettre un partage des frais et non générer un bénéfice – estimé en l’espèce à plusieurs milliers d’euros - et en soulignant que le salarié a fait courir un risque à son employeur puisque l’assurance du véhicule de fonction ne couvrait pas les personnes transportées dans ce cadre (CARennes, 31 août 2018, n° 16/05660).

Il sera précisé que les conditions générales d’utilisation de la plateforme BlaBlaCar indiquent « BlaBlaCar se réserve la possibilité de suspendre votre compte dans le cas où vous utiliseriez un véhicule professionnel de type VTC ou taxi, une voiture de fonction ou de service et génériez de ce fait un bénéfice sur la plateforme ».

Les salariés sont donc prévenus : réaliser un complément de revenus grâce au covoiturage pourrait entraîner leur licenciement. La Cour de cassation ne s’étant pas encore prononcée sur ce sujet du covoiturage, et d’autres cours d’appel s’étant montrées très indulgentes à l’égard de salariés ayant notamment prêté leur véhicule de fonction à un tiers (voir encadré sur l’arrêt de la CA Orléans, 2 févr. 2017, n° 15/01189), la prudence est recommandée aux employeurs. Ils seront bien inspirés de prendre la précaution d’insérer dans le règlement intérieur de l’entreprise, ainsi que dans le document de mise à disposition du véhicule, une mention précisant qu’il est interdit aux salariés de prêter leur véhicule de fonction à un tiers ou de l’utiliser pour effectuer du covoiturage en rappelant notamment que de tels usages ne sont pas couverts par l’assurance de l’entreprise.

La solution vaut a fortiori pour un véhicule de service. Rappelons que le véhicule de service se distingue du véhicule de fonction en ce que son utilisation est limitée à des parcours professionnels, même s’il peut être toléré que le salarié ne le redépose pas nécessairement le soir dans les locaux de l’entreprise, mais il ne peut l’utiliser à des fins personnelles le week-end ou lors de congés. Le véhicule de service n’est donc pas constitutif d’un avantage en nature sous réserve toutefois de la position stricte de certaines Urssaf en cas d’utilisation entre le domicile et l’entreprise. ?

21/01/2019 ARGUSDELASSURANCE.COM

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